Le sauveur du Saint-Epvre
Jean-François Adam est seul autorisé à fabriquer ce gâteau dans sa pâtisserie du même nom, à Nancy. En quarante ans, il a déposé 180 signalements pour contrefaçon. Il cherche un repreneur à qui transmettre le secret de la recette.
En ce 7 mars, c’est au son des tambours de la manifestation contre la réforme des retraites que Jean-François Adam fabrique des bergamotes dans le laboratoire de sa pâtisserie nancéienne. Emmy et Véronique, les deux vendeuses, s’inquiètent. « Des vitrines ont été abîmées un peu plus loin, faut-il fermer le magasin ? » Le patron temporise : « Attendons pour aviser. »
Les fumigènes fument, la sono sonne, la caravane passe… En quarante ans de métier, Jean-François Adam en a vu d’autres. Il a même dû faire face à un dépôt de bilan, il y a 14 ans, à la suite de son divorce. « Je venais de refaire toute la partie fabrication, soit 750 000 euros de travaux. Mais je suis toujours là, même si je travaille seul depuis quatre ans alors que j’avais 7 salariés il y a vingt ans. Aujourd’hui, j’ai l’équivalent de 2,5 vendeuses à temps plein. »
Jean-François Adam est le cinquième propriétaire de la marque déposée Saint-Epvre, le sixième détenteur du secret de sa fabrication. « Le gâteau est régulièrement copié par des homologues un peu partout en France, raconte-t-il. Nancy est une ville très touristique, grâce à son riche patrimoine architectural — dont la fameuse place Stanislas. Parmi les visiteurs, il y a inévitablement des pâtissiers… Généralement, ce sont des clients réguliers qui me préviennent, me disant avoir vu un gâteau estampillé Saint-Epvre ici ou là. Depuis que j’ai repris, j’ai déposé cent quatre-vingts signalements pour contrefaçon, ce qui suffit généralement à arrêter la copie. Là, j’ai deux procédures judiciaires en cours, ayant fait appel car j’estimais que les dommages et intérêt qui m’étaient octroyés– 1 500 euros – n’étaient pas suffisants. Mais tout cela coûte très cher. C’est le prix à payer pour conserver l’exclusivité de la marque. »
Un produit à l’identité forte
Le Saint-Epvre est à base de meringue aux amandes, de crème au beurre, de vanille bourbon et de nougatine pilée. Il a été créé à la suite d’une erreur. En 1882, Anatole L’huillier, pâtissier alsacien installé à Nancy, souhaite fabriquer des macarons. Il se trompe dans la recette, élaborant sans le vouloir ce gâteau, rapidement devenu un succès. Il lui donne le nom de la basilique toute proche. Aujourd’hui, la boutique du même nom en vend environ 15 000 par an. Le gâteau est décliné en plusieurs formats, de l’individuel au seize parts.
À 65 ans, Jean-François Adam souhaiterait passer prochainement le flambeau à un professionnel capable de porter les valeurs qu’il défend toujours : fabriquer un produit unique, transgénérationnel, à l’identité forte.